09/07/2009

Deux doigts ça va, trois doigts bonjour les dégâts !




Didier entra dans le luxueux cabinet. L’homme qui l’accueillit était trapu, bedonnant et portait une barbiche touffue du même blanc que ses cheveux. Didier lui serra la main.
- Bonjour, docteur.
- Bonjour… monsieur Maroini, c’est bien cela ? Ma secrétaire ne s’est pas trompée ?
- Votre secrétaire n’a pas fait d’erreur, c’est bien mon nom.
Le médecin fit signe à Didier de s’asseoir.
- Je vous en prie, asseyez-vous.
Lui-même prit place derrière son bureau, un imposant meuble dont le vaste plateau de marbre était jonché d’objets hétéroclites et de feuilles de papier en tous genres.

- Parfait. Alors, que vous arrive-t-il, monsieur Maroini ? demanda le médecin.
- Voilà, docteur, j’ai cinquante-quatre ans…
- Ce n’est pas une maladie en soi.
- On m’a conseillé de consulter parce qu’il paraît que c’est un âge à risque pour le cancer de la prostate
- C’est exact, on ne vous a pas menti. Le cancer de la prostate se développe autour de la cinquantaine. Un dépistage s’impose donc lorsque l’on atteint cet âge. 
- J’ai bien fait de venir, alors. Je ne perdrai pas mon temps ! s’exclama joyeusement Didier.
Un léger sourire se peignit au-dessus de la barbiche blanche
- Vous a-t-on renseigné sur le type d’examen que cela suppose ?
- Euh… non.
- Vous n’avez aucune idée de ce qui vous attend ?
- Pas la moindre.
- C’est bien ce qui me semblait.
Chez Didier, l’enthousiasme était à la baisse.
- Ce n’est pas douloureux, j’espère ?
Le sourire du praticien s’élargit.
- En général, non.
- Ouf, pendant une seconde vous m’avez fait peur, docteur. De quoi s’agit-il au juste ?
- Je vais vous expliquer. La prostate est située dans une région difficile à atteindre, en arrière du pubis, en avant du rectum, entre la vessie en haut et le périnée en bas. Elle a la forme et la taille d’une châtaigne, avec une base supérieure collée à la vessie et un sommet inférieur appelé bec prostatique…
- Oui, bon, je vous remercie pour ces précieuses informations docteur, mais je ne suis pas ici pour entendre un cours magistral sur la prostate.
- Bref… pour vous parler franchement, il est nécessaire de pratiquer UN TOUCHER RECTAL.
Didier avala sa salive avec difficulté.
- J’ai peur de ne pas bien vous comprendre, docteur.
- Je vais vous faire un toucher rectal afin de palper votre prostate.
- Rassurez-moi, docteur, quand vous employer le terme de « toucher rectal », cela ne signifie pas ce que je crois que cela signifie ?
- Je crains que si.
- Ce n’est pas le même « toucher » que quand je pose mes doigts sur votre bureau et que je le « touche » ?
- Si.
Didier sentait la panique monter.
- Et ce « rectal », ne me dîtes pas que c’est l’adjectif issu de « rectum » !
- Si, c’est exactement de ce mot dont il s’agit.
Une soudaine bouffée de chaleur submergea Didier. Il commençait à se sentir mal dans ses mocassins en cuir. Son regard se porta sur les mains du médecin. De grandes mains couvertes de poils blancs, avec de très larges doigts dont les articulations ressemblaient à des nœuds.
Le praticien lut l’inquiétude sur le visage de son patient.
- Ne vous inquiétez pas, monsieur Maroini. Ce sera trois fois rien.
Didier ne semblait pas convaincu.
- Trois fois rien, trois fois rien, on voit que ce n’est pas à vous que l’on va foutre un doigt dans le cul, docteur !
- Vous survivrez.
- Je n’en suis pas si sûr, moi.
- Allez, soyez courageux, dîtes-vous que c’est pour votre bien !

La pilule était dure à avaler pour Didier. Se faire fourrager dans le pot d’échappement, par un homme qui plus est, ne l’enchantait guère. Il n’avait aucune propension à l’homosexualité.
- Comprenez mes réticences, docteur. Vous conviendrez avec moi que l’orifice en question est fait... comment dire… pour les sorties, pas pour les entrées.
- En tous cas, dans un instant, nous allons tenter une entrée !
- Est-ce bien nécessaire ? N’y a-t-il pas d’autres… solutions ?
- Le toucher rectal est le seul moyen d’explorer la prostate.
- Bon, s’il le faut, docteur…

Didier avait retiré ses chaussures, son pantalon et son caleçon. Les pans de sa chemise pendaient lamentablement sur ses cuisses nues.
- La chemise également ! intima le docteur.
Le patient s’exécuta. Les chaussettes seules le préservaient de la nudité totale.
Le médecin ouvrit un tiroir, en sortit un petit étui qu’il déchira. L’étui contenait une sorte de fourreau en plastique. Le praticien enfila lentement celui-ci sur son index droit, sous le regard terrifié de Didier.
- Ceci est un doigtier de plastique enduit de vaseline, expliqua le petit homme ventru.
- Une capote pour doigt, quoi.
- Si vous voulez ! Et maintenant… en position !

Le cul en bombe, arc-bouté au dossier d’une chaise en aluminium, Didier sentit que l’on forçait son intimité.
- Détendez-vous le plus possible, ne contractez pas, lui suggéra le violeur.
- Excusez-moi, docteur, c’est une première, je manque d’expérience dans le domaine, articula péniblement le quinquagénaire.
La pression se fit plus forte, Didier tressaillit lorsque l’épaisse articulation passa.
- Voilà, nous y sommes ! s’exclama le médecin avec la même satisfaction que s’il eût atteint le sommet du Mont Blanc.
- Vous allez rire, docteur, mais je m’en doutais, gémit Didier.
- Ça va ? Vous supportez le choc ?
- Oui, oui, mais faites vite s’il vous plaît. J’ai connu plus agréable comme sensation.
L’inspection débuta. Didier philosophait intérieurement. C’est dingue ce qu’un doigt peut sembler gros quand on l’a dans le cul, pensait-il.
- Une prostate dure comme de la pierre serait un mauvais signe… hum… bonne consistance, ça a l’air d’aller, commenta l’intrus.
- Ça ira encore mieux quand j’aurai le conduit dégagé, docteur.
- C’est bon, je me retire !
PLOP !
- Le même son que lorsque l’on débouche une bouteille de champagne,  s’extasia le médecin, ce bruit m’amusera toujours !
- Ah, je respire ! fit Didier en se redressant. Ce n’était pas si terrible finalement !
- Attention, ne vous réjouissez pas trop vite, monsieur Maroini. Ce n’est pas encore terminé. Il faut que je procède à un examen supplémentaire. Avec DEUX DOIGTS cette fois !
Didier crut défaillir.

CLAC ! Le généraliste fit claquer le bas du doigtier de caoutchouc qu’il avait glissé sur son majeur droit, à côté de l’index déjà plastifié.
- C’est reparti mon kiki ! s’écria-t-il.
Didier fixa avec appréhension les deux gros doigts gainés de plastique.

Pénétré jusqu’à la garde, le quinquagénaire subissait en silence. Il regardait sa montre afin de détourner son esprit de ce qui se passait à l’arrière. Chaque seconde semblait une éternité. Le toucher rectal ralentit le temps, pensait-il.
PLOP !
Didier ne s’y attendait plus. Il souffla.
- Ah, docteur, je suis content que ce soit fini !
- Ce n’est pas tout à fait fini. Il reste un dernier examen. Mais, je vous promets que ce sera le dernier.
- Jamais deux sans trois, soupira Didier avec résignation.
- Exactement ! Nous allons d’ailleurs passer à trois doigts ! Et puis vous êtes habitué maintenant, monsieur Maroini !
- Je crois que je ne m’habituerai JAMAIS à un truc pareil, docteur.

Le visage contracté, Didier était à la limite de l’évanouissement. Il avait l’impression que sa colonne vertébrale était traversée par du deux cent vingts volts.
- Détendez-vous, monsieur Maroini. Tout va bien, ça finira par entrer, le rassurait le praticien.
Ce con de docteur me défonce l’anus, se disait Didier. Il m’a menti. Trop douloureux pour qu’il y ait seulement trois doigts. Quatre au minimum, et peut-être même la main entière.
Souffrant le martyre, Didier tourna la tête à droite afin de se faire une idée de la situation. La main du docteur était à l’air libre, pendant le long de sa jambe, inemployée. Il devait certainement se servir de la main gauche pour changer. Cependant, quelque chose clochait.
Didier tourna la tête à gauche. C’était bien ce qu’il pensait, la main était visiblement réquisitionnée pour écarter les fesses. Bizarre. Le médecin n’avait que deux mains et pourtant… par quel miracle… Soudain, Didier comprit. Le quinquagénaire bondit comme s’il avait retrouvé ses vingt ans afin de se libérer.
PLOP !

- Sale porc ! Trois doigts, tu parles !
Le médecin était resté sur place. Son gros chibre décalotté était dressé devant sa lourde bedaine.
- Excusez-moi, monsieur Maroini. Je suis désolé…
- Désolé, désolé, c’est facile à dire… vous m’avez mis votre bite dans le cul quand même, ce n’est pas rien ! Le préjudice physique est important, sans parler du préjudice moral !
- Je ne sais pas ce qui m’a pris, je n’ai pas pu résister. Une pulsion animale. Votre anus est si mignon ! Mettez-vous à ma pace. Cette petite rondelle rose…
Didier se rhabilla à la hâte.
- Laissez-moi vous dire que vous allez le regretter, espèce de sodomite ! Je compte bien porter plainte !
- Mais puisque je m’excuse. Tenez, vous n’avez qu’à considérer cet incident comme une PROFONDE marque d’affection.
- Affection mon cul ! Vous m’avez explosé le trou de balle !
- Bon, écoutez, je vous fais cadeau de la consultation et on oublie tout.
- Bien entendu que vous allez me faire cadeau de la consultation ! Il manquerait plus que je vous paie pour m’avoir collé votre saucisse entre les fesses !
- Vous n’êtes pas très conciliant, monsieur Maroini ! Je risque ma place, moi !
- Il fallait y penser avant de m’enfiler, gros dégueulasse !

Didier se dirigea vers la porte en boitant, l’ouvrit. Il se rappellerait longtemps de cette affreuse journée. Une journée gravée pour toujours dans les annales.
- Attendez, monsieur Maroini ! J’ai une bonne nouvelle, vous allez être content !
La porte claqua, Didier disparut.
- Tout va bien du côté de la prostate ! cria le généraliste, seul dans son cabinet et le pantalon sur les chevilles.


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